Pièce “Khatini” du Théâtre régional de Mostaganem : Les papys et font de la résistance
Les spectacles se succèdent mais ne se ressemblent pas au Festival
national du théâtre professionnel (FNTP) se déroulant du 11 au 21 mars au TNA à
Alger. Samedi 20 mars au soir, les comédiens du Théâtre régional de
Mostaganem (TRM) y ont dressé leurs tréteaux et sont montés
en…puissance pour afficher leur ambition avec la pièce
“Khatini” écrite et mise en scène par Ahmed Rezzak.
Après le passage des théâtres régionaux de Constantine, Sidi Bel Abbès,
Tizi Ouzou, Guelma, Souk Ahras, Oran, c’était au tour de Mostaganem de faire
résonner pour ne pas dire”raisonner” les planches du TNA. Depuis
cette estrade, le TRM “Djilali Abdelhalim”, une grande école du 6ème
Art, à travers, la pièce “Khatini”, en compétition , dont l’auteur et
le metteur en scène, Ahmed Rezzak, n’est pas à présenter, n’est pas venu
faire de la figuration. Le public était conquis.
Ça déménage à tous les étages
La pièce s’ouvre sur une scène de ménage d’un vieux couple sénile. Une
immersion dans la gérontologie, la démence, l’Alzheimer, l’hypertension…Du
coup, ça démarre sur les chapeaux de roue, ça déménage à tous les étages, ça
décoiffe, ça se crêpe le chignon, ça s’insulte par tous les noms d’oiseaux. Un
vaudeville hilarant s’installe.
L’arrivée officielle du…Président de la République, vieux comme Mathusalem,
impotent, tremblant, venant personnellement, chez les deux gâteux, pour
dissuader leur fils, le seul, l’unique et le dernier jeune de cette
contrée jurassique, candidat à l’exil, “la harga”. Il s’appelle
“Khatini” qui veut dire en dialecte arabe:” cela ne me concerne
pas”.
Un slogan, une sentence, un avertissement, une résolution d’un départ immédiat,
forcé et douloureux. Une parabole actuelle, flagrante et cinglante. C’est
un conseil ad hoc, extraordinaire d’urgence qui est convoqué à cet
effet. L’échange entre la mère et son fils est émouvant. Une hyperbole de
la mère patrie et son enfant qu’elle voudrait prodigue et non le perdre à
jamais. “Khatini” d’Ahmed Rezzak, est une satire sur le pouvoir, ses
abus et ses pratiques orwelliennes. Et ce, de par, un humour décapant où
il dépeint en fait une république bananière. Un régime où règne un général
d’opérette, un président croulant, sous perfusion, qu’on cadre et recadre,
prononçant un discours creux, oiseux, sa langue pendue de bois.
” “walou”, rien. C’est le cri du cœur d’un jeune, un cheb,
détonant. Arrêtons le mépris de la plèbe se révoltera
“”Khatini”.
Un bain de jouvence
Le jeu des comédiens Bouhadjar Boudchiche, Bendoubaba Fouad, Rabie Oudjaout, Korichi Sabrina, Chahrazed Khalifa, Draoui Fethi, Kataoui Fethi, Samira Sahraoui, Houria Bahloul, Aissa Chouat, Nesrine Belhadj, Besseghir Abdallah et Benahmed Hamza, est à saluer tout bas. Justesse, fluidité et expérience. Ils ont ému, séduit et surtout fait se poiler de rire l’assistance et sans discontinuer. La séquence du hammam pour femmes fut un grand moment de théâtre en devenant un bain de jouvence pour ces vieilles mamas et où le massage(des kiyassat) se transformera en message de tolérance, de tendresse et de courage. Et puis ces répliques qui ont fait mouche:”Je résiste ici, jusqu’à nous puissions les enlever, les ôter tous, ” la misère mais vive le bled”, ” Ce qui m’intéresse, c’est la cause du pays”, ” Ce qui nous reste à vivre, nous l’utiliserons pour libérer notre fils.” Longuement ovationnés.
K.Smail