Performance chorégraphique « Une chaise au théâtre »

Du mouvement, de l’art et de la perfection

« Une chaise au théâtre » est l’intitulé de la pièce présentée, dans la soirée de jeudi, sur les planches du Théâtre national (TNA), en ouverture de la 14ème édition du Festival national du théâtre professionnel (FNTP).

Conçue et mise en scène par Riad Beroual, la pièce, qui est plutôt une performance, est rythmée, d’un bout à l’autre, par un jeu chorégraphique soigné. L’on perçoit d’emblée que le jeu, basé sur une interprétation fluide et  juste, met principalement en exergue l’expression corporelle. Il s’impose comme tel tant le corps occupe pleinement et entièrement l’espace scénique. Il l’investit de toute sa personne. Il est le protagoniste, ce personnage qui dessine la géographie de la scène et la remplit en permanence, sans discontinuité, de sa présence, la marque de son empreinte caractéristique et expressive. Effectivement, la scène revêt une signification à l’exécution de chaque mouvement, à l’accomplissement de l’acte corporel. Les danseurs et danseuses évoluent dans un espace dénudé, dépouillé de décor. Il est vide, et cette vacuité lui confère, au départ, une abstraction absolue et déroutante que les protagonistes, par la suite, parviennent, par leur présence, à la transcender et à lui donner quelque chose de visible et de palpable. 

Jeu  muet mais éloquent 

La chorégraphie, orchestrée avec harmonie par l’humeur corporelle, compose la scénographie ; celle-ci est cependant changeante, variable. Elle change d’un pas à l’autre, d’une gestuelle à l’autre, d’un déplacement à l’autre. Les danseurs passent leur temps à façonner et à remodeler l’espace scénique, et ce, au gré de l’instant qu’exige l’action qui, elle, est imposée par le geste.  Outre la gestuelle parlante et exubérante, il y a la mimique. Le jeu est basé sur cet ensemble de  gestes  expressifs  et  de  jeux de physionomie expansif qui remplace la parole. C’est un jeu certes muet, mais cela ne veut pas dire qu’il est incompréhensible, car tout se dit par le geste ou par l’expression du visage ; celui-ci prend des traits saillants, démonstratifs.  Le public interagit aussitôt aux grimaces et aux autres formes de rictus que fait le visage de chacun des protagonistes. Et selon le lieu où se déroule la chorégraphie, c’est-à-dire dans un théâtre, la pièce parle d’art, évoque ce besoin imparable de vivre intensément l’art qui nourrit l’esprit  et l’âme des esthètes, toute personne réceptive au beau et au sensible.

Cette vive fureur de vivre 

En effet ces jeunes, filles et garçons, issus de tout le territoire national, illustrent ce fort tempérament, cette vive fureur de vivre, tous deux générés par la passion pour l’art ; ils sont les représentants d’une génération versée dans la créativité et poussée par une inspiration résolue, sans bornes. Une génération qui, acharnée, cherche à s’accomplir par l’art, à exister en tant qu’artiste. Ils revendiquent l’acte de création et assument leur agissement artistique. Et la chorégraphie merveilleusement signée par Riad Beroual, sans fautes ni prétention, en est une évidence, irréfragable. Cet acharnement, cette détermination, l’on voit dans la façon dont le jeu est mené, ferme, intensif, traversé tantôt par des mouvements progressifs et aisés ; l’on ressent cette ardeur furieuse et opiniâtre de vouloir mettre à exécution leur envie artistique à travers le langage corporel déchaîné, hardi, rebelle, et ce, afin d’accroître, toutefois sans heurt ni brusquerie, l’effet de la performance et son incidence sur le public, lui procurant ainsi un étonnant et indicible plaisir des sens.

Un « état de siège » confortable 

Cela est manifeste aux chaises dont chaque danseur et danseuse dispose, joue avec et en fait un composant scénographique qui, essentiel et déterminant, appartient à la scène et les accompagne dans chaque acte chorégraphique. Par la chaise, les protagonistes affirment fermement, résolument leur présence sur les planches, s’accomplissent artistiquement, étalent leur sens de créativité. La chaise, non négligeable, signifiante, se dévoile alors comme un signe d’appartenance, d’affirmation, d’aboutissement.  Eloquente, attrayante, la performance, qui est convaincante, substantielle et appréciable, retient d’emblée l’attention et touche, du début à la fin, la sensibilité. C’est juste magnifique, spectaculaire.

Yacine Idjer 

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