Débat avec Taha El Amiri : le théâtre, une autre arme contre la colonisation

L’espace M’Hamed Benguettaf, au niveau du Théâtre national Mahieddine Bachtarzi à Alger (TNA), a accueilli, samedi 23 décembre 2022, une conférence  sur le parcours de la troupe artistique du FLN.
L’ancien directeur du TNA, comédien et membre de la troupe artistique du FLN  Taha El Amiri et deux universitaires, Ahmed Cheniki et   Brahim Noual ont éclairé l’assistance  sur l’engagement de la troupe de théâtre du FLN durant la guerre de libération nationale.
Âgé de 95 ans, le militant Taha El Amiri Abderrahmane Bestandji, de son vrai nom, a estimé que Mahieddine Bachtarzi était le père spirituel du  théâtre algérien.  Sans lui,  il n’y aurait pas eu de troupe théâtrale, selon lui. Il a rappelé que la troupe théâtrale, dirigée en 1947 par Mahieddine Bachtarzi, présentait chaque semaine un nouveau spectacle. “Le rythme était infernal. Le spectacle était scindé en un spectacle théâtrale et en un concert. Un choix mûrement réfléchi par  Bachtarzi.  Il avait  introduit la partie concert pour  drainer le public vers la salle et le familiariser avec le théâtre»,  a-t-il souligné.
Selon lui, Mahieddine Bachtarzi signait des contrats de huit mois avec les artistes. “Les  quatre   mois restants étaient considérés comme un chômage forcé. On nous surnommaient péjorativement el adjadjbia. J’ai eu cette chance avec  trois autres camarades de suivre, chaque année un stage de troisième degrés d’un mois en France”, a indiqué Tahar El Amiri qui prend rarement la parole en public.
Taha El Amiri a rappelé qu’en 1956, le FLN avait donné instruction de suspendre toutes les activités culturelles en Algérie. une année après, le comédien était recherché par les français. A la faveur d’un stage, il regagne la Suisse, fuyant la France.  Il était ensuite contacté par Mustapha Kateb en 1958 qui lui a demandé de rejoindre la Tunisie, pour organiser la troupe artistique du FLN. Le spectacle « Nahw EnNour », mis en scène en 1958, a été  joué en Tunisie, en Libye, en Yougoslavie, en Chine et en URSS. Suivra une trilogie sur  la révolution « Les enfants de la Casbah », «  le sang des libéraux » et « les immortels », signée Abdelhalim Rais. Taha El Amiri considère Abdelhamid Rais comme “l’auteur de la révolution”.  “C’est lui qui a sauvé la troupe  artistique du FLN”, a-t-il dit.
Brahim Noual a, pour sa part, noté que la révolution algérienne  n’était ni improvisée ni statique. “Il y avait une dynamique depuis le congrès de la Soummam en 1956. Un  appel a été lancé à tous les artistes”, a-t-il dit. Cet appel a été, certes,  pris en charge par les artistes mais Ahmed Cheniki a estimé qu’il faut rendre hommage à Mustapha Kateb qui, dès 1952, avait fait participer des jeunes comme Sid Ali Kouiret,  Yahia Benmabrouk, Nouria, Kazdarli  et tant d’autres à des festivals  internationaux de la jeunesse. Selon Brahim Noual, la troupe théâtrale du FLN  était composée de 35 membres, “et pas de 50 comme cela a été dit”.  Il a précisé que cette troupe a joué  trois pièces écrites et un spectacle  de  1958 à 1962. Plus de 150 spectacles ont été donnés à l’étranger.
De son côté,  Ahmed Cheniki a dénoncé le fait qu’on réduise la colonisation française à la période allant de  1954 à 1962 alors qu’elle avait duré 132 ans.  « Quand on parle d’engagement des hommes de théâtre dans la révolution, on ne  parle que de  la période 1958 et 1962. Il y a énormément de choses qui ont été faites avant. A partir de 1900 et jusqu’à 1917, il  y a eu des pièces où on insistait sur la question identitaire », a-t-il noté. Selon lui, deux éléments ressortent sur le théâtre dans  la plate forme de la Soummam. “On insiste sur le fait de mobiliser les comédiens du théâtre pour qu’ils témoignent du combat des Algériens et de l’époque coloniale. Le deuxième point repose sur le fait de mobiliser toutes les forces pour s’engager dans la révolution”,a-t-il souligné. Il a regretté l’inexistence “d’un travail sérieux” sur le plan de  l’Histoire, de la Mémoire et du théâtre.

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