Débat au FNTP : Allalou, l’artiste qui a révolutionné le théâtre en Algérie en le rendant populaire

Le 16ème Festival national du théâtre professionnel (FNTP) ne pouvait pas prendre fin sans rendre un hommage émouvant à l’illustre Ali Sellali, connu sous le nom d’Allalou, un véritable géant du théâtre algérien. Une conférence-débat s’est déroulée, le samedi 30 décembre au Théâtre National Algérien (TNA), et a mis en lumière la contribution inestimable de cet artiste visionnaire

Allalou, en tant que père fondateur du théâtre algérien, demeure dans les annales comme le précurseur ayant lancé la première troupe théâtrale baptisée “Zahia” (joyeuse). En 1926, à une époque où le quatrième art était dominé par des troupes égyptiennes et syriennes jouant en arabe classique dans le monde arabe, Allalou introduisait une touche algérienne unique, marquant ainsi le début d’une ère nouvelle

L’universitaire Ahmed Cheniki, lors de cette séance dédiée à Allalou, souligne que bien que les spectateurs et amateurs algériens aient eu leur première expérience théâtrale en 1921, c’est véritablement la création de “Djeha” par Allalou, que l’impact réel sur la scène algérienne a été pleinement ressenti. Cette œuvre, imprégnée d’une facture classique aristotélicienne, a connu un succès triomphal dès sa première représentation le 12 avril 1926 à Alger, établissant ainsi une référence historique incontournable

“Allalou a révolutionné le quatrième art en le rendant plus accessible et populaire avec sa pièce ‘Djeha’ en arabe algérien”, souligne Ahmed Cheniki. La pièce a connu un succès retentissant grâce à plusieurs éléments clés, dont le choix judicieux de sujets familiers au public et l’utilisation d’une langue arabe usuelle (melhoun) qui a rendu le théâtre plus proche du quotidien des Algériens, alors sous occupation française

Le succès de “Djeha” s’explique également par le comique de situation et de mots adapté au tempérament algérien, créant ainsi une expérience divertissante et éducative. Cette création majeure a symbolisé le véritable départ du théâtre algérien, s’inscrivant dans une période charnière de la ré-articulation de la résistance nationale face au colonialisme français dans les années 1920

Malgré son succès fulgurant, Allalou s’est retiré de la scène artistique en 1936 pour se consacrer à sa famille. Fatiha Sellali, sa fille, également présente à cette conférence au TNA, témoigne de la dualité entre la passion de son père pour le théâtre et son rôle de père de famille. Sa “retraite anticipée” l’a conduit à travailler dans les tramways algériens, tout en restant en contact avec le monde artistique, notamment avec des figures telles que Mohamed Ouniche, Ali Abdoun ou Saïd Hilmi

Fatiha Sellali décrit Allalou comme un homme pieux et d’une grande culture générale. Malgré son retrait du théâtre, il a laissé un héritage incommensurable à sa famille, une bibliothèque abritant plus de 2 000 ouvrages. Sa fille révèle également qu’il a écrit une pièce en 1945, “Achour et ses frères”, destinée à Bachtarzi et devant être jouée par Kelthoum, mais qu’il a mystérieusement détruite par la suite. Selon elle, Allalou a brûlé tous les textes originaux de ses sept pièces.  
Décédé en 1992, Allalou semble avoir été oublié par les institutions culturelles. Fatiha Sellali, émue mais fière, souligne qu’elle a sollicité à maintes reprises des hommages officiels, en vain.  Ce premier hommage au géant de la scène théâtrale algérienne au FNTP est donc une reconnaissance tardive mais significative pour cet artiste qui a marqué l’histoire du théâtre en Algérie

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