Ali Djebara. Metteur en scène de la pièce Skoura : Casser les tabous, c’est mon choix

Ali Djebara est metteur en scène de la pièce « Skoura » du Théâtre régional de Souk Ahras, présentée, jeudi 18 mars, sur les planches du Théâtre national algérien (TNA), et ce, dans le cadre de la 14e édition du Festival national du théâtre professionnel.

Qu’est ce qui justifie votre choix du texte (une adaptation de Moulay Mourad Mohamed d’après le roman “Al malika” d’Amin Zaoui) ?

C’est tout simplement pour rendre hommage à la femme, c’est pour montrer et  dire qu’elle souffre dans notre société, notamment la femme divorcée ; notre société est prédominée par une mentalité masculine. La femme est un être humain tout comme l’homme, il n’y a pas de différence. Elle a le droit d’aimer qui elle veut, elle a le droit de se marier avec qui elle veut. Elle est libre de ses choix.

« Skoura » est le personnage principal de la pièce, mais nous constatons qu’elle n’est pas assez présente sur scène.

Au contraire, elle y est présente physiquement devant le public et lorsqu’elle n’y  apparaît pas, elle est là,  à travers les autres personnages qui n’arrêtent pas de parler à son sujet. D’une manière comme d’une autre, explicitement ou implicitement, elle est omniprésente sur scène. Et à la fin de la pièce, elle apparaît qui elle est vraiment, avec son caractère et sa personnalité, ses valeurs et ses principes. Le personnage, important et marquant, s’impose sur scène et au public. Il est incontournable.    
Il se trouve que, dans la pièce, chaque personnage a son propre vécu, sa propre histoire à raconter.  
Chacun a effectivement son histoire personnelle, et il la raconte. Finalement, tous se ressemblent. Tous ont quelque chose de commun : un vécu douloureux. Si au début, ils semblent différents, il s’avère qu’au fur et à mesure que la pièce avance, ils sont identiques. Chacun est victime de sa propre expérience personnelle.

Vingt ans après la décennie noire, vous en parlez dans votre pièce. Pourquoi ?

Justement, c’est voulu. C’est par un devoir de mémoire. Il faut continuer à en parler pour ne pas oublier. Il faut aussi parler de ces femmes qui ont été kidnappées par les terroristes, emmenées au maquis, violées puis abandonnées. Elles se retrouvent avec des enfants. Ces femmes-là, personne n’en parle. Elles sont oubliées et leur sort personne ne s’en soucie. Ce n’est pas normal. Ne sont-elles pas des êtres humains ? Elles ne sont pas victimes ? Cette pièce, c’est donc une occasion, pour moi, de soulever cette question et briser ce tabou.

Justement, vous soulevez la question des tabous dans votre pièce.

C’est ma manière de travailler et je suis fidèle à ça. C’est mon choix et ce choix je l’assume entièrement. Et je suis connu pour ça. Dans toutes mes pièces, je casse les tabous. Je dénonce l’hypocrisie et les travers de la société. Mon rôle est de lever le voile sur une société qui refuse de regarder  les vérités en face, d’admettre la réalité telle quelle, dans ce qu’elle a de crue.

Yacine Idjer

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