Reportage à l’atelier d’actorat: un voyage immersif dans l’art dramatique
Dans le petit atelier théâtral animé par le maître incontesté Haidar Benhocine à la salle El Hadj Omar au Théâtre national Algérien Mahieddine Bachtarzi, l’air vibrant de créativité et d’excitation résonne en ce 3ème jour d’apprentissage. Les stagiaires, filles et garçons, passionnés par l’art dramatique, se préparent à une leçon immersive où la frontière entre la théorie et la pratique s’estompe pour révéler les subtilités de l’interprétation théâtrale.
Haidar Benhocine, fort de son expérience scénique, s’est donné pour mission de guider ces aspirants acteurs à travers les méandres de l’art dramatique. Son atelier, bien plus qu’une simple classe, devient un espace de découverte, où chaque instant est une opportunité d’apprendre et de grandir
Dès le début, Benhocine Haidar souligne la différence cruciale entre comprendre une théorie théâtrale et la vivre sur scène. « Le théâtre ne se contente pas d’être compris intellectuellement, il doit être ressenti dans les fibres mêmes de votre être », déclare-t-il avec conviction. Il insiste sur le fait que l’interprétation authentique naît de l’immersion complète dans le moment présent. Pour lui, il s’agit moins de « théories, sinon on débuterait par le théâtre grecque et on enchainerait sur les autres écoles. Ce n’est pas le but de cet atelier. On n’apprend pas en une semaine à devenir acteur
Les stagiaires, avides de connaissances, écoutent attentivement tandis que Haidar Benhocine partage des anecdotes de sa brillante carrière. « Chaque rôle, chaque scène, a une vie propre. Vous ne pouvez pas simplement réciter des lignes, vous devez les vivre. » Ces paroles résonnent comme un mantra dans l’atelier, incitant chacun à plonger au plus profond de son être pour dévoiler les émotions enfouies. Il fera la comparaison entre les interprétations de deux stagiaires présentes à cet atelier. « Voyez par exemple l’interprétation de vos deux amis. L’une, au regard de son jeune âge, a su reproduire l’émotion de son vécu, alors que l’autre a tenté de faire ressortir son background. Les interprétations sont très différentes. L’expérience de l’initié lui a permis de se rapprocher le plus de l’attitude réelle
Corriger les concepts
L’exercice commence par une lecture simple d’une scène classique. Haidar encourage ses élèves à dépasser les textes à ressentir l’énergie qui émane de chaque mot, de chaque silence. Il les pousse à explorer les nuances de chaque émotion, à se libérer des contraintes de la rationalité. « La théorie est le fondement, mais la scène est la toile où vous la peignez avec votre âme », déclare Haidar, avant d’ajouter que « l’éclairage dans une pièce n’éclaire nullement l’acteur mais il est plutôt destiné pour éclairer le texte ». Les stagiaires, sur scène, absorbent chaque conseil, chaque correction, transformant progressivement leurs performances en tableaux vivants, imprégnés d’une authenticité palpable. « Là je rectifie ce que j’ai emmagasiné comme informations théoriques. Je me rends compte que j’utilisais très mal les informations en ma possession, par exemple celle du souffle. C’est un concept que je connais depuis 10 ans, mais j’en faisais un faux usage. Même pour la douleur, j’en avais une fausse interprétation, pas comme vous nous l’avez expliqué, définition, source… etc. Vous m’avez aidé à rectifier les théories que j’avais mal assimilées et sur lesquelles je construisais mes propres interprétations », déclare un jeune stagiaire. L’atelier devient un laboratoire d’émotions, où les stagiaires apprennent à transformer leurs expériences personnelles en puissantes expressions scéniques. Haidar les guide avec une bienveillance perspicace, réajustant les nuances, éclairant les zones d’ombre. « On ne devient pas acteur en une semaine, il faut de l’exercice, beaucoup de travail et beaucoup de lecture », répète-t-il sans cesse. À la fin de la session, le changement est palpable. Les stagiaires, une fois réticents à laisser tomber les barrières de la théorie, embrassent maintenant l’expérience vivante du théâtre. Ils gagnent en confiance et reconnaissent leurs erreurs, érigeant auparavant un vrai savoir
Sortir de la zone de confort
Haidar Benhocine les incitera à dresser des ponts entre eux et créer une dynamique entre les membres du groupe afin de se construire et contribuer à construire l’autre. « Une interaction agissante entre comédiens qui vous permettra de faire exploser les émotions qui sont en vous et en chaque être humain ». Il leur explique qu’il existe « une zone de confort et une zone de douleur ». Si la première consiste en ce que l’on sait (le milieu, le vécu, l’interaction avec les autres), celle de la douleur est celle méconnue qui englobe les accumulations de ce que l’on a accumulé dans la vie depuis la naissance. Et d’ajouter : « Il faut que notre relation, en tant qu’acteur, avec le temps change ». Haidar apprendra à ses stagiaires que la création n’interviendra qu’à partir du moment où ils auront assimilé correctement les concepts et où la phase d’imagination des uns et des autres est stimulée. Ce n’est qu’alors qu’ils pourront libérer leur talent. Dans ce sillage, il les incitera à confronter les avis des uns et des autres et à ne pas prendre pour argent comptant toute théorie qu’on leur débite. Cet atelier n’a seulement pas été une leçon d’acting ; c’est une ode à la transformation, une célébration du pouvoir de l’art dramatique à transcender les limites de la théorie pour toucher le cœur de chaque spectateur